«Dans l'œuvre d'art ou dans la théorie comme dans la chose sensible, le sens est inséparable du signe. L'expression, donc, n'est jamais achevée. La plus haute raison voisine avec la déraison.» Cette tension essentielle ainsi formulée par l'auteur sous-tend l'ensemble des essais réunis ici sous trois grandes perspectives : celle de l'art, celle de la philosophie et celle de la politique. L'étude consacrée à Cézanne comme celle qui analyse le cinéma du point de vue de la psychologie moderne s'attachent l'une et l'autre à montrer la démarche créatrice cherchant sans cesse, face à l'«énigme du monde», quelles réponses nouvelles apporter à l'interrogation humaine. L'examen de l'existentialisme permet de clarifier les positions adoptées, dès la fin de la Seconde Guerre, par rapport à Hegel et à Marx, ainsi que de maintenir une réflexion politique et critique, en dépit de la débâcle prévue du communisme, sans retomber dans les séductions d'une «fin de l'histoire». C'est pourquoi, très courageusement, l'auteur entreprend, sous le titre «La guerre a eu lieu», un bilan général des années de guerre et d'immédiate après-guerre qui fait aujourd'hui écho à la conférence de Camus, «La crise de l'homme». Outre sa valeur historique, qui permet d'établir une sorte d'état des lieux des années 1944-1948 en France, ce recueil confirme toute l'ampleur et la richesse des intérêts et des problématiques qui caractérisent la pensée d'un auteur qu'on peut ainsi redécouvrir.
Né à Rochefort en 1908, Maurice Merleau-Ponty, ancien élève à l'École normale supérieure, agrégé de philosophie, docteur ès lettres en 1945, professeur à la Sorbonne, puis au Collège de France depuis 1952, est mort en 1961. Il a été membre du comité directeur des Temps modernes depuis leur fondation.